La Vouivre est un personnage mythique, un être surnaturel, une créature fantastique que l’on retrouve dans plusieurs pays d’Europe. Mais la Vouivre est également une légende jurassienne.

Étymologie et localisation
Le mot vouivre vient du vieux français wivre, qui signifie « serpent ». Ce mot est attesté dans les textes au milieu du XIIe siècle.
L’origine de la légende de la Vouivre en Franche-Comté se perd dans l’époque médiévale qui fut, on le sait, fort féconde en contes et légendes. C’est autour de la Loue, une rivière du Jura, et de la commune de Mouthier-Haute-Pierre, que notre histoire se passe.

La légende de la Vouivre
Mais d’abord, parlons de la créature. Selon la description la plus commune, la Vouivre est un serpent géant pourvu de grandes ailes de chauve-souris. Rapide comme l’éclair, elle a la particularité de n’avoir qu’un œil au milieu de la tête. Et encore ne s’agit-il pas réellement d’un œil. Ce qu’elle porte sur le front est une énorme pierre rouge qu’on nomme escarboucle. C’est cette pierre qui suscite toutes les convoitises. En effet, on lui prête des pouvoirs magiques immenses. Selon certaines traditions, elle rend éternellement riche celui qui parvient à s’en emparer. D’après d’autres mythes, elle permet de commander aux génies et de se faire apporter tous les trésors de la Terre.
Quels que soient ses pouvoirs, elle a un pouvoir d’attraction sur les hommes qui dépasse la raison. Et, toujours selon la légende, s’en emparer n’est pas impossible, L’entreprise est, il est vrai, extrêmement périlleuse, mais elle reste à la portée des plus hardis. La Vouivre, en effet, retire son escarboucle et la pose sur un rocher chaque fois qu’elle se baigne dans les eaux de la Loue[1]. C’est à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, que la pierre peut lui être dérobée. Mais la Vouivre est rapide, et loin d’être sourde. Le moindre bruit l’alerte. Si le voleur n’est pas assez rapide, il paiera son larcin de sa vie. Car la Vouivre est sans pitié.
On trouve dans les légendes franc-comtoises plusieurs récits de gens qui ont vu la Vouivre, qui l’ont vu passer ou se baigner. Mais aucun ne raconte comment quelqu’un a pu lui voler son escarboucle. Peut-être parce qu’aucun apprenti voleur n’est revenu pour se vanter de son forfait…
La Vouivre aujourd’hui
Héraldique
Outre dans les légendes, même si celles-ci ont beaucoup perdu de leur importance, la vouivre perdure aujourd’hui dans l’héraldique[2]. Également appelée guivre, elle a la forme d’un dragon bipède ou d’un serpent ailé avec parfois une escarboucle sur le front. Elle symbolise la vigilance et la protection. On la retrouve en Italie, sous la forme d’un serpent avalant un enfant, dans les armoiries de la famille des Vicsonti.

Littérature
En France, la légende de la Vouivre a incontestablement été popularisée et diffusée par Marcel AYMÉ. Publié en 1943, son roman éponyme raconte l’histoire de l’apparition de ce personnage légendaire dans un petit village jurassien, où elle va semer le trouble dans la population. L’auteur la décrit comme une belle jeune femme qui porte sur la tête un diadème orné d’une pierre précieuse. C’est ce bijou qu’elle retire lorsqu’elle se baigne nue dans les eaux de l’étang tout proche et que convoitent les hommes du village, car il est de grand prix. La belle est entourée d’une armée de vipères qui obéissent à ses sifflements et protègent son trésor.
Marcel AYMÉ la présente comme une déesse primordiale, dont l’existence a été contemporaine des premiers Hommes et dont les principes ne correspondent pas du tout à ceux de la société chrétienne du temps. Elle séduit les hommes par passe-temps, par jeu, pour tromper sa solitude éternelle. Mais leur vie n’a pas plus d’importance qu’un soupir.

Traditions
Enfin, je n’achèverai pas cet article sur la Vouivre sans évoquer une tradition séculaire qui perdure encore aujourd’hui dans la commune de Couches, en Saône-et-Loire, à mi-chemin entre Autun et Chalon-sur-Saône.

Une légende raconte qu’en 1328, une Vivre, un animal fabuleux semblable à un dragon, a semé la terreur dans la population. Depuis 1888, tous les vingt ans, une grande Fête de la Vivre a lieu dans les derniers jours du mois d’août. Les réjouissances se déroulent dans une ambiance médiévale avec des reconstitutions historiques, un défilé de chars et de nombreuses autres animations. La prochaine édition de cet événement aura lieu en 2028, année qui fêtera les 700 ans de la légende. Qu’on se le dise !

Notes
[1] La légende situe son antre aux sources de la Loue (photo de l’en-tête de l’article, collection personnelle).
[2] L’héraldique concerne tout ce qui touche aux armoiries et aux blasons.
Voilà une bestiole que je n’aimerais pas croiser ! Si je me promène un jour dans le Jura, j’y penserais.
Merci pour ce partage, Charles-Emmanuel