La variole est une maladie qui a causé de nombreuses épidémies dans l’histoire de l’humanité depuis son apparition jusqu’à son éradication en 1980. Grâce aux archives de la santé publique, on peut retracer son parcours à travers les communes de la Marne du milieu du XIXe siècle.
La variole, une maladie ancienne
La variole, également appelée petite vérole, tire son nom de deux mots latins : varius, qui signifie « tacheté, changeant », et varus, qui signifie « pustule ». La manifestation la plus spectaculaire et la plus flagrante de la variole est en effet l’apparition de pustules sur l’ensemble du corps, comme une varicelle particulièrement grave.
Cette maladie est très contagieuse et d’origine virale. Elle se transmet par les voies respiratoires ou le contact. Elle a assez souvent une issue fatale : entre trois et neuf malades sur dix en meurent, suivant la gravité de l’infection.
La maladie apparaît dès la Préhistoire, lors de la sédentarisation du Néolithique et de la domestication. Il est fort possible que l’ancêtre du virus qui a sévi dans le monde à l’époque moderne chez l’homme ait été commun avec celui qui touche les animaux (variole des singes ou des camélidés). On a retrouvé des traces de la maladie sur des momies égyptiennes. Car une autre particularité de cette maladie est qu’elle laisse des traces indélébiles. Si le malade ne meurt pas, il conserve sur la peau la marque des pustules qui ont disparu.
La variole se répand ensuite en Asie, selon des témoignages datant du Ier siècle de notre ère.
Des épidémies nombreuses portées par les guerres et le commerce
Au Moyen-Âge, la propagation du virus suit très largement les routes du commerce, comme la Route de la Soie, et les armées. C’est suivant ces itinéraires qu’elle est signalée autour de l’an mille.
Au XVIe siècle, une épidémie frappe l’Europe et emporte des dizaines de millions d’habitants du Vieux Continent. Dès lors, elle apparaît dans les textes comme un élément récurrent de la vie et de la mort des populations. Au point que, dès le XVIIe siècle, plusieurs pays européens mettent en place un suivi statistique des cas et des décès.
A en croire les contemporains, il est très difficile d’échapper à ce fléau. Aucune solution médicale n’étant efficace. Il faut noter qu’aujourd’hui encore, il n’existe aucun traitement pour soigner la maladie : la seule protection est la vaccination.
« Selon que vous serez puissant ou misérable… »
Les animaux malades de la peste de Jean de LA FONTAINE ont eu tout loisir de désigner lequel d’entre eux devait être touché par la sanction. Mais ce n’est pas le cas des malades de la variole. Le virus n’a jamais lu La FONTAINE. Il s’en est donc pris au cours de son histoire indistinctement aux modestes et aux puissants.
Des pharaons égyptiens, des daïmyos japonais, des maharajahs indiens, des rois et des princes européens ont succombé à ce virus. En France, Louis XV en meurt en 1774.
Je ne vais pas m’étendre davantage sur l’expansion de la maladie. Il toucha dans son histoire également les terres du Pacifique et les Amériques. La variole fut par exemple un allié inattendu des conquistadores dans l’anéantissement des empires précolombiens.
La variole dans la Marne au XIXe siècle
Le suivi des malades de la variole, mis en place au cours du XVIIe siècle en Europe est encore en activité dans la France du milieu du XIXe siècle. Les Archives départementales de la Marne abritent dans leur dépôt de Châlons un document statistique très instructif sur le sujet. Il s’agit d’une enquête par commune sur les décès d’après leur nature entre 1836 et 1844[1]. On y trouve les suicides, les meurtres, les morts accidentelles, les exécutions, les épidémies. Mais ce qui est particulièrement intéressant sur l’attention qui est portée à cette maladie, c’est qu’elle fait l’objet d’un décompte particulier, en-dehors de celui des morts liées à une épidémie, dans une sixième colonne. Et ce qui me semble le plus révélateur, c’est que cette colonne spécifique est en réalité la première du document, comme pour bien montrer l’importance qu’elle revêt encore à cette époque.
Certes, l’épidémie qui sévit au milieu du XIXe siècle dans la Marne n’a pas l’ampleur de celles qui ont frappé dans les siècles passés. On ne dénombre en effet « que » 250 morts dans les documents conservés. Toutefois, toutes les communes ne sont pas représentées : seules soixante-treize réponses ont été conservées. Les maires ont-ils omis de renseigner cette statistique ? Les documents ont-ils été perdus ? Impossible de le dire.
Essai d’étude statistique du phénomène
Ce n’est donc qu’à partir d’informations partielles sur le département que nous pouvons essayer de voir comment l’épidémie a circulé. Tout d’abord, on voit qu’elle n’a pas touché toutes les communes puisque seuls trente-neuf maires ont signalé des cas de variole dans leur réponse.
La répartition des décès dus à la variole est particulièrement erratique. Comme on pouvait s’y attendre quand on connaît le mode de propagation de la maladie, la ville de Reims a été très touchée (177 décès pour environ 39 000 habitants). Châlons-sur-Marne, qui compte près de 13 000 habitants, n’enregistre que 21 décès, Epernay et ses 5 500 habitants seulement 6. A l’inverse, une commune comme Aulnay-aux-Planches (170 habitants) voit disparaître 21 personnes à cause de la variole pendant cette période, soit autant que Châlons. Et Verzenay, un bourg de 1 200 âmes connaît 18 décès pendant la seule année 1843. Pourquoi, comment ces inégalités ? Là encore, impossible à dire.
Quant au parcours de la maladie dans le département, aucun schéma ne semble se dessiner. Le virus est présent dans la vie quotidienne des Marnais, tantôt plus, tantôt moins suivant les années.
En guise de conclusion…
Cet article ne se veut pas une étude épidémiologique ou statistique complète, précise et détaillée des ravages de la variole dans la Marne au milieu du XIXe siècle. Ce ne serait d’ailleurs possible qu’avec des données plus nombreuses.
Non. Il n’a pour modeste objectif que de porter un instant la lumière sur un aspect de la vie et des préoccupations de nos ancêtres que nous connaissons peu. Les progrès de la médecine et des sciences nous protègent aujourd’hui de ces maladies anciennes. Mais les populations de cette époque pas si lointaine devaient composer avec cette mort parfois si proche d’eux.
Notes
[1] Cote 35 X 1.
Cet article a été rédigé dans le cadre de l’atelier blog proposé par CLG Formation sur le thème « une maladie ».